
Je n’aurais pas pu choisir entre les phrases de l’un et les dessins de l’autre. Quel duo ! Pas question ici de phylactères ou de décoration. Voici des bulles d’amertume ou d’espoir, de rêve ou d’habitude. Le jeu entre Jean-Louis Massot et Gérard Sendrey est tout de complicité, sans concession. Il emporte au plus haut de l’imaginaire. À partir des doubles et triples sens du premier, le second démultiplie les axes de perception. On y gagne en distance sur les mots et donc sur les choses de la vie.
Non, je n’aurais vraiment pas aimé écrire ou dessiner « l’épouse du mal de mer », j’ai tellement aimé la découvrir dans ces pages. Désormais, elle accompagne tous mes vagues à l’âme ou à lame.
Jean-Louis Massot poursuit son ouvrage de marqueterie : il insère dans le quotidien, l’ordinaire et le banal des petites phrases de nacre, des essences de mots précieux, des termes d’extraordinaire.
Sans envie de lire ? Cent envies de le relire !
(Jean-Pierre Jacqmin)
Mises en bouche
J’aurais aimé être les doigts qui se glissent entre les doigts de deux mains qui viennent de faire l’amour.
J’aurais aimé être une bouffée d’oxygène dans un vent de folie.
J’aurais aimé être une faillite chez les marchands du temple.
J’aurais aimé être la raison qui perd le sens des affaires.
J’aurais aimé être flou à lier.
J’aurais aimé être touché par la garce.
J’aurais aimé être le gagnant d’une partie de plaisir.
J’aurais aimé être le passager clandestin d’un vol à la tire.
J’aurais aimé être le peintre d’un tableau de bord.
J’aurais aimé être une déconfiture de pommes de discorde.
J’aurais aimé être un bulletin météorologique qui annoncerait une semaine de beau temps à ne rien faire.
J’aurais aimé être le stylo et le crayon qui, au fil du temps, ont écrit ces Sans envie de rien.