Dans cette dystopie de Chantal Montellier, le « radeau démocratique » a depuis longtemps coulé et la société d’hyper-consommation a atteint ses limites.
Sur fond de couvre-feu, d’état d’urgence et de montée des extrémismes, un couple très « upper middle class », Thérésa et Jean, se rend chez des amis pour y passer la soirée. Ils s’arrêtent pour chercher un cadeau à Shelter Market, un centre commercial souterrain, qui peut aussi faire office d’abri anti atomique. À peine sont-ils entrés dans ce bunker de la consommation que des sirènes retentissent. Une voix leur annonce qu’un bombardement nucléaire vient d’avoir lieu. Les lourdes portes blindées du Shelter Market, se sont refermées sur les centaines de clients présents dans les galeries marchandes. Très vite, la direction du centre met en marche le plan de survie, avec l’aide des nombreux vigiles présents sur les lieux. On assure aux clients qu’ils peuvent s’estimer heureux de leur sort : ils seront abrités et nourris gratuitement jusqu’à ce que la vie redevienne possible à l’extérieur. La clientèle, désormais captive, se doit donc de garder le sourire en toutes circonstances. « Be happy ! », proclame un clown hilare, sosie de celui des Mac Do. Les livres et les films démoralisants ou jugés « toxiques » sont peu à peu retirés de la circulation. C’est « un autodafé sans feu », constate Thérésa, chargée de la librairie transformée en bibliothèque. Face aux abus de pouvoir et autres dérives fascisantes, Thérésa, Jean et quelques autres personnes finissent par réagir… Un doute commence à s’insinuer quant à la réalité de l’explosion atomique. Et si tout cela n’était qu’une manipulation de plus ? Une expérience radicale… celle de la survie après le grand chambardement ?
Plus que jamais le message de Chantal Montellier est d’actualité. Son cri contre la normalisation consumériste et l’État policier prend ici une nouvelle dimension.
Mais Chantal-la-pessimiste, tout en renouvelant son trait, son style et sa gamme de couleurs, prend manifestement beaucoup de plaisir à nous faire peur. Le dynamisme et la beauté de son album sont des antidotes à la noirceur de son propos.