• Auteur(s): Emmanuelle Ménard
  • Éditeur: Le Coudrier
  • Genre: Poésie
  • Péritexte: Ill. couleur de l'auteur. Préface de Jean-Michel Aubevert
  • Format: 14 x 20 cm
  • Nombre de pages: 59 pages
  • ISBN: 978-2-39052-001-6
  • Parution: 2019
  • Prix: 16 €
  • Disponibilité: Disponible
  • Distribution: Autodistribué (Belgique). Librairie Wallonie-Bruxelles (France).

Les mots couleur du temps pour une valse à mille temps, on dirait qu’Emmanuelle Ménard s’avance sur les traces de Brel, fuyant un Bruxelles au morne quotidien pour la Ville Lumière et les Tropiques solaires, surtout maritimes.
Comme si elle exprimait par là le tropisme d’une naissance aux centuples rivages. La mer ouvre l’horizon à ses bords, à l’inverse de la pluie dont le rideau semble achever de refermer la vue qu’on a de la rue, interrompre l’élan qui porte le regard à l’horizon, aux lointains :
La mer, à la fois berceau, creux porteur et grand large, porte la vague, lame de fond qui tient au corps, au ventre, du vivant, boule de sang roulée au monde.
Qu’il cesse de se répandre, ce sang compté au vivant, régulé aux femmes, c’est un peu de l’élan vital, de son génie, qui semble se retirer comme à l’ensablement d’un lit.
Les villes, dont les noms semblent appeler comme brusselait Bruxelles au temps de Brel, appeler plus que nommer, sont le lieu privilégié des déambulations. Les rues, les pavés, les trous qu’ils semblent refermer sous les pas, les passants qui, passant, ignorent que ce faisant ils passent, les chiens, en scandent la rumeur et les humeurs.
L’énergie cinétique, l’allant, semble être le moteur qui impulse l’auteure quand, par ailleurs, c’est au creux de l’amour, au lien des bienheureux, qu’elle se ressource, qu’un corps bat à son heure.
Le sens qui n’en a pas, c’est la vie même, danse à mille pas, portée par la vague dans la circulation des flux et la respiration des vents sous la voussure du large, le mot qu’on note, celui qu’on profère, celui qu’on rencontre, celui qui vous rencontre.
Au fil de son verbe, vibre, chair, la poète, sur les touches d’ivoire, l’ivoire de ses ongles, de ces dents qu’on se fait sur le langage, le phrasé des voix.
— Jean-Michel Aubevert

 
Extrait

L’oiseau

L’oiseau cherche sa rime
dans le gris du trottoir
La rose comme une épine
qui blesserait le temps
La main de l’assassin
qui prendrait du bon temps
L’oiseau comme une rime
trimballe ses plumes acides
l’air de défier ceux-là
qui tuent les belles chansons
l’air de crier « Paris ! »
aux orphelins du soir
Quand la ville ici-bas
promet luxe et lumière
le sourire plein de sang
pour noyer les misères
L’oiseau cherche l’oiseau
qui connaissait les arbres
le ciel aussi les larmes
et le miroir des hommes.

L’écrivain pianiste

Je suis
Un écrivain pianiste
l’arbre du bois dodu
le corps dans l’assiette
le sourire sans façon
l’idée qu’on soigne avec du sang
la sainte épître des chansons
J’y suis et j’y reste
entre les horizons
Canules d’humeur bleue
Fontaines d’osier doré
Traversée de marins
Epicéas sauvages
J’adore le tout, le rien
le sens qui n’en a pas
le phrasé serpentin
d’un livre qui se fait.

Piriapolis

La mer sous la pluie
ce sont les âmes qui pleurent
le silence des prisons
quand les cœurs ne veulent plus
Des grillages et des grillages
sur l’horizon rêveur
le pas sauteur de l’enfance
pour vaincre les espaces
Ce chien aussi
à l’oreille arrachée
et qui se vautre lourd
dans le nid chaud des rues
La mer quand il pleut
n’est plus vraiment la mer
peut-être la dernière larme
d’un monde qui a vécu.