« Le médecin-urgentiste en entrant dans l’église, comprit déjà en voyant le visage pâle du curé, que l’affaire était conclue avec le paradis et que le point le plus délicat serait d’annoncer l’inévitable. Il fit son travail et tenta l’impossible. Le massage, l’oxygène, les menus soins qui donnaient à penser que le miracle pouvait avoir lieu se prolongèrent une bonne demi-heure. Puis, le verdict vint.
– Je suis désolé. Je ne peux plus rien faire.
La phrase tomba, sans plus. On couvrit le corps d’un drap. Le reste ne fut qu’incrédulité. C’est là qu’avait commencé toute l’histoire. Non ! Qu’avait recommencé, pour Achille T., en partie, toute l’histoire ! ».

Extrait

Malgré tous ses efforts, l’apprenti-détective Achille ne parvenait pas à se rappeler quand avait débuté son trouble. Le corps parlait mais il n’avait aucune réponse à lui apporter. Il devait subir les tiraillements de l’estomac et les angoisses qui se logeaient dans la poitrine comme si l’air lui manquait. Il se souvenait juste d’une chose : il était parti avec Jamard pour un travail semble-t-il banal qui les avait obligés à un déplacement dans l’église Sacré-Cœur de la Vierge de Forchies-la-Marche. C’est là qu’avait commencé toute l’histoire. Non ! Qu’avait recommencé, en partie, toute l’histoire ! Tôt dans la matinée, le curé, Ernest Norbert, alors qu’il préparait l’office qui allait permettre à une dizaine d’enfants de l’entité de recevoir la confirmation, tomba, face à l’autel, alors qu’il ouvrait les livres sacrés aux pages qu’exigeaient les circonstances particulières de ce jour. Il tomba dans un court râle, d’abord sur les genoux, ce qui fit croire un instant à ses aidants qu’il se préparait à prier, ce qui les inquiéta aussi puisqu’il ne tournait jamais le dos au Christ en pareil moment ni ne s’adonnait à une spontanée génuflexion qui souligne le recueillement. C’est quand son corps, immobile dans la position du prieur, ne montra plus une rigidité inhabituelle et que sa main gauche glissa du livre pour rester pendante en désignant le sol, que les aidants se doutèrent qu’un malheur venait d’arriver. Malgré le drame, quand les pauvres témoins reprirent leurs esprits quelques heures plus tard, ils se réjouirent, si l’on peut dire, que la mort survînt une heure avant l’office et non point durant celui-ci, face aux enfants rassemblés, à cet instant solennel, autour de leur curé.