Artiste peintre et théoricien, Christian Bonnefoi a présenté de nombreuses expositions personnelles, depuis 1977, à Paris, Cologne, New-York, Berlin, Londres, Tokyo… Docteur en histoire de l’art (Sorbonne), il est également l’auteur de nombreux articles et écrits sur l’art qui jalonnent son parcours depuis plus d’une cinquantaine d’année. Figure marquante de la peinture contemporaine en France, l’œuvre de Bonnefoi s’est élaborée patiemment dans une reprise de la question du tableau et du pictural dont il s’est efforcé de repenser à nouveau frais les fondements. Comme l’écrit le philosophe Michel Guérin dans la préface : « Plus que le motif, le moteur de l’écriture de Christian Bonnefoi c’est la construction d’un concept du tableau, dont la fin n’est pas de se substituer finalement au tableau réel mais d’en partager l’incertaine condition ».
Réunissant des textes publiés ou inédits depuis 2010, le Traité de peinture s’inscrit dans le prolongement des Écrits sur l’art (1974-1981) de Bonnefoi publié en 1997. Attentive aux opérations que la peinture et le tableau mettent en œuvre, la pensée de Bonnefoi prend appui sur des auteurs de prédilection et forge des concepts clés. Le lecteur du Traité de peinture trouvera ainsi convoqués Bergson, Freud, Proust, Benjamin, voisinant avec les Pères (Tertullien, Augustin) ou le théologien Albert le Grand, mais aussi Léonard, Michel-Ange, Mondrian, Picasso, Matisse, et pour les artistes plus contemporains, Jean-Pierre Pincemin, Philippe Rivemale, Saverio Lucariello et d’autres encore.
Le premier tome du Traité de peinture se compose de trois sections : la première regroupe des textes qui s’efforcent de poser à nouveau frais les conditions d’une pensée du tableau dans l’espace pictural contemporain. La seconde section propose une incursion dans ces problèmes esthétiques en prenant pour point d’attention la question de savoir : « comment faire une composition en forme de récit ? », sous-titre du second article de cette section « L’envol du baiser de Madame Proust ». Enfin, la dernière section, intitulée explicitement “Exempla”, regroupe des textes en grande partie consacrés à des artistes contemporains dans la proximité desquels l’œuvre de Bonnefoi se construit. L’ensemble compose un Traité dont il revient à Michel Guérin d’avoir identifié, dans la préface, l’apport fondamental :
« En héritier de l’épingle de Picasso (pour le collage) et de l’expérience de Brunelleschi (pour la perspective), deux dispositifs qui font décision dans l’histoire de la peinture, Bonnefoi ne conçoit pas l’œuvre en dehors du processus qui en est à la fois son mode et sa condition de production et un reste menant en retrait “sa vie propre”. Je le dis et le redis : le point extrême de singularité dans l’œuvre de Bonnefoi (à travers ses séries, Babel, Eurêka, Fioretti, Ludo, Composition, Machines, et d’un écrit à l’autre, plus ou moins de circonstance…) se situe dans sa conception, à mon sens inédite, du technique, qu’un usage banal et/ou étourdi identifie prestement à moyen, métier, savoir-faire. Sans doute la technique est moyen, pourvu que celui-ci soit pensé, non pas comme ce qui disparaît le but ayant été atteint (un peu comme on démonte l’échafaudage quand le chantier est terminé), mais comme milieu. Là se trouve l’apport, conceptuel aussi bien que pratique, de Christian Bonnefoi. »