
Transferts de souffles propose sans retouches, en suivant la chronologie, un choix que Pierre Dhainaut a établi de ses poèmes écrits entre 1960 et 1979, de Mon sommeil est un verger d’embruns au Retour et le Chant, parus dans des livres depuis longtemps épuisés. De ce qu’on appelle une œuvre, mieux vaudrait dire : une vie, il s’est bien gardé d’interpréter les traces ; il les a considérées comme les témoignages de naissances successives ou d’approches, il n’en a dissimulé aucune. Comment les relire et les choisir quand elles sont si anciennes ? Plutôt que de répondre à ces questions, il a préféré ajouter aux poèmes d’autrefois une suite de poèmes récents, Perpétuelle, la bienvenue.
En 1964, Pierre Dhainaut célèbre Raymond Roussel, cet écrivain « entraîné par les mots », dans le n° 34-35 de la revue Bizarre aux côtés, entre autres, de Michel Leiris et Roger Vitrac. L’auteur de Locus Solus avait « cette faculté de regarder longtemps la matière brute du langage, comme certains les taches d’un vieux mur, d’autres les nuages ». Avec lui, « [t]oute confiance […] est accordée au mot. Le langage devient dynamique ». Pour Pierre Dhainaut, ces inventions et voyages fantastiques sont exclus. Cependant, au cœur du poème vivent les mots et les sonorités. Le lecteur, pour y entrer, devra, chaque fois, accepter de se sentir désarmé, nu, il en naîtra une lecture féconde, dynamique et créatrice.
« [L]’œuvre réclame une lecture nouvelle : un abandon total suivi d’une résurrection […]. [E]lle permettra de trouver l’illumination […]. » Ce dernier mot, rimbaldien, livre la clef du secret du poème.
— Isabelle Lévesque.