Alexandre Vialatte écrivait en substance qu’aussitôt que l’industrie humaine invente un objet, il se trouve quelqu’un pour en entreprendre la collection.
L’acte de collectionner est une passion fervente, une manie quelquefois, qui peut élire les objets les plus modestes (petits cailloux, boutons de manchettes) comme les plus prestigieux (éditions originales, tableaux de maîtres) ; c’est surtout une manière d’être au monde, de l’habiter, de (se) le représenter, de lui donner un sens.
Un monde à collectionner s’intéresse précisément à la manière dont des écrivains, des bédéistes, des artistes, des cinéastes, des éditeurs ont fait de la collection un objet de représentation, de mise en ordre et de compréhension du monde. Tantôt thème narratif (telle BD de Blutch mettant en scène un collectionneur dépassé par l’ampleur de sa collection), tantôt principe organisateur d’une œuvre : ainsi les « tentatives d’épuisement » d’un lieu de Georges Perec ou Thomas Clerc, les inventaires d’une ville (Saint-Marcellin filmé rue après rue par Gérard Courant), d’un pays tout entier (les États-Unis vus par Michel Butor), les collections de citations hôtelières de Nathalie de Saint Phalle ou encore la prolifération d’exemples qui, chez Maurice Grevisse, finissent par dévorer sa célèbre grammaire Le Bon Usage. Et quand inventorier un fragment du monde ne suffit plus, on peut entreprendre de le dupliquer purement et simplement, à l’instar de Kenneth Goldsmith.
En s’interrogeant sur le devenir-collection du monde, cet essai suggère que le plaisir de la collection est celui d’inventer des rapports qui sans elle n’existeraient pas ; et que « le vrai collectionneur est celui qui s’autorise le droit à l’erreur, sans craindre les faux pas. Sans ratés de collectionneur, une collection n’est rien d’autre qu’une forme d’héritage ».
Jan Baetens est l’auteur d’une vingtaine de livres de poésie. Il a également publié deux essais sur la poésie contemporaine : Pour en finir avec la poésie dite minimaliste et À voix haute. Poésie et lecture publique (Les Impressions Nouvelles). Son intérêt pour les rapports entre texte et images l’a conduit par ailleurs à consacrer de nombreuses études à la bande dessinée, au roman-photo, à la novellisation et à l’illustration en littérature. Son livre Hergé écrivain (Flammarion, coll. Champs) est devenu un classique du genre.
En 2002, il a publié aussi une anthologie remarquée de la poésie belge contemporaine : Les Belges sont à la mode (éd. P).
Il a reçu le prix triennal de poésie 2007 de la Communauté française de Belgique pour son recueil Cent fois sur le métier.