Deux Bruxellois qui n’auraient jamais dû se croiser lient connaissance dans d’étranges circonstances. L’un professeur de français, militant de la francité, affligé d’une phobie des oiseaux ; l’autre Flamand installé dans la capitale, collectionneur de graffitis dans les toilettes publiques et persuadé que le néerlandais est la langue du paradis, celle, primordiale, dont toutes les autres découlent.
La relation difficile – mais tenace – entre l’enseignant et l’épigraphiste amateur sera bouleversée par l’irruption d’une jeune Roumaine, serveuse dans un salon de thé huppé à la clientèle gay.
Mainate en folie, tenancière de bistrot amoureuse, concierge plutôt nature, invasion de rats, cataclysmes hénaurmes, rien ne leur sera épargné dans la capitale d’une Belgique minée par ses éternelles escarmouches communautaires et linguistiques.
Un premier roman, à l’humour décapant, d’un amoureux de la langue française.
Extrait
Non, cette fois, ça y est, il s’agit de ma grande œuvre, mon Opus magnum, celle qui va tout bouleverser dans ce pays. Un essai sur la Flandre et sur la langue flamande, la langue primordiale. […] Le flamand, c’est la mère de toutes les langues. Je dis bien toutes, pas rien que des langues indo-européennes. La langue première, celle que les philologues recherchent depuis toujours. Comment c’est possible ? Tout simplement parce que la Flandre a été le berceau de l’humanité. Je ne le dis pas à la légère, j’ai longuement réfléchi avant de chercher plus avant. Maintenant, je suis presque arrivé au bout, et j’ai rassemblé un arsenal d’arguments imparables. J’ai la preuve que tout a commencé à Audenarde, ma ville natale. Audenarde, en flamand c’est Oudenaarde, et tout le monde vous dira que ça signifie « vieille terre ». Moi, je trouvais ça idiot. Vieille terre, c’est ridicule. Pourquoi vieille ? […] Oudenaarde, ou Audenarde, ça veut dire « le paradis » ! C’était évident. Paradijs en flamand, qui a donné paradis en français, paradisium en latin, firdaouss en arabe, et ainsi de suite. […] Le jeu des lois phonétiques, la fusion et la transmutation des consonnes et des voyelles et, finalement, la transfiguration, la métamorphose, d’un mot en un autre, apparemment tout différent et, pourtant, de même substance que son prédécesseur. Alors, en un éclair, une vérité s’est imposée : dans le nom de ma ville natale, Oudenaarde, la syllabe « aarde » et le « arad » de paradijs étaient une seule et même chose, une racine commune aux deux mots. […] les noms Audenarde et paradis, devaient exprimer à l’origine un concept identique, une périphrase du style « le luxe (de Dieu) sur la terre » ou bien « la (divine) somptuosité terrestre ». En flamand c’est « weeldenaards ». Dans ce mot, on sent déjà bien la présence du nom Oudenaarde. Mais le paradis, me direz-vous, là-dedans, où est-il ? Il faut savoir que « weeldenaards », c’est la forme moderne, mais dans la langue primitive, en très ancien flamand, on disait « beeweeredies ». Avec le passage du temps, le b initial s’est affaibli en w, alors que le w intérieur, lui, se dévélarisait en l… Et là, si vous ne décelez pas le terme paradijs en gestation, c’est que vous n’avez pas la fibre linguistique, inutile de vous obstiner.