Longue suite de 91 poèmes, ce livre se présente sous la forme d’une adresse au poète et écrivain Claude Esteban, d’un dialogue avec l’auteur disparu. Il y a dans cette suite quelque chose d’une complicité magnifique entre l’auteure et celui auquel elle s’adresse, ce dont témoigne la plupart des poèmes, discrètement mais sûrement, dont celui-ci : « Tu te souviens / elle n’était pas / morte / tout à fait / ni / sa main / ni / le pourpre des / peintures ni / la langue où / je la veille». On y trouve une parole poétique d’une très grande maîtrise et qui, dans l’adresse à l’autre, cherche à formuler ce que nous sommes, sans jamais préjuger de ce que nous serons. Les lieux sont rarement déterminés et pourtant témoignent des itinéraires, qui sont ceux de la vie. Comme souvent chez Esther Tellermann, le moment réflexif, l’ordre de la pensée jamais refermée sur elle-même accompagne ces moments de surgissement de la parole poétique en cette distance par rapport à la banalité de la traversée des jours.
Esther Tellermann, née à Paris en 1947, est normalienne et agrégée de lettres. Après avoir enseigné dans le secondaire, elle est actuellement psychanalyste. Depuis un premier texte, sur L’Innommable de Samuel Beckett, dans la revue Action poétique en 1976, elle a collaboré à de nombreuses revues dont Banana Split, Poésie, Ralentir travaux, Moriturus, Le Nouveau Recueil, L’Étrangère, Rehauts ou Le Préau des collines. Elle est également membre du comité de rédaction de la revue de psychanalyse La Célibataire. son premier recueil poétique, Première apparition avec épaisseur, obtient un prix de l’Académie française en 1986. Il est publié chez Flammarion, comme les suivants – huit recueils à ce jour, jusqu’au dernier paru chez cet éditeur en 2011 et intitulé Contre l’épisode. Son dernier recueil, Le Troisième, est paru aux éditions Unes en automne 2013. Le travail d’Esther Tellermann figure dans de nombreuses anthologies dont l’Anthologie de la poésie française du XVIIIe au XXe siècle parue en 2000 dans la « Bibliothèque de la Pléiade ».