Laurent décide de revendre ses parts de la société qu’il a fondée avec son vieil ami Léopold. Motif avoué : la reformation du groupe Abba pour un enregistrement « qui bande mou » et un concert en hologramme. Mieux : il vendra à celui qui pourra lui arranger un rendez-vous avec Benny Anderson, le barbu du groupe. Nous suivons Laurent au jour le jour, dans ses relations avec son ex-associé, une amie de toujours qui parvient à le supporter, une prostituée de luxe, son chat Marcel, et surtout le souvenir de sa sœur cadette, fan d’Abba, fauchée par un chauffard le lendemain de la venue des Suédois à Bruxelles. Dans une lucidité désenchantée, le jeune retraité, en attendant son improbable rendez-vous, s’observe lucidement et amèrement au sein de notre monde qui tourne à vide dans les aberrations d’une débauche technologique mise au service de la médiocrité.
Extrait
– Tu fais quoi de tes journées, à part organiser ton futur rendez-vous avec Abba ?
– Avec le barbu d’Abba ! Les autres, je m’en fous.
– Ça leur fait quel âge aujourd’hui ?
– Ça leur fait vieux. Dans les soixante-dix.
– Il est si bien que ça, leur nouvel album ?
– À l’heure où nous parlons, ne sont à la disposition de nos avides oreilles que deux morceaux. Et pour être honnête, leur écoute n’annonce rien de spectaculaire. Niveau arrangement, ça bande un peu mou.
– C’est pour lui dire que son dernier album bande mou que tu veux le rencontrer ?
– La question n’est pas de savoir de quoi nous parlerons. Je veux qu’il s’installe à ma table, que nous partagions les deux mêmes mètres carrés pendant quelques minutes. Il le faut. Pour commencer à reconstituer le puzzle.
– Pour commencer à quoi ? Sérieux ? Tu t’es levé un matin en te disant que rencontrer Abba t’aiderait à comprendre le sens de la vie ? Tu te fous de moi ?
– C’était un après-midi. Pas un matin !