Ce livre s’inscrit dans une continuité. Un précédent volume des deux auteurs, Antonioni / Ferrare, interrogeait une ville et un mode d’écriture.
Réfléchir à l’urbain et tenter de trouver une écriture « juste » pour parler des films reste le moteur de ce nouveau projet.
La ville de Seraing sert d’écrin à presque tous les films réalisés par les frères Dardenne. L’hypothèse, cette fois, est qu’en travaillant sur la durée et en inscrivant leurs films dans un environnement social précis, en accordant une place déterminante au travail et à ses variantes dans le temps, Jean-Pierre et Luc Dardenne ont contribué à définir un paysage.
La construction de l’ouvrage repose sur trois séjours successifs à Seraing en compagnie de Guy Jungblut, à nouveau sollicité pour les photos qui encadrent l’écrit. Ces photos n’ont pas le statut de simples illustrations. Les séquences photographiques constituent un regard autonome sur la ville, ses particularités et ses failles. À plusieurs reprises, elles ont relancé le travail d’écriture qui parfois s’épuisait entre descriptions vaines et réflexions sociologisantes déconnectées du terrain.
Le texte avance à partir de thèmes associés à la ville, son inscription dans l’histoire industrielle de la région, sa structuration, son fleuve, les bois qui l’enserrent, les ruines qui la trouent : des thèmes mis en regard des manières de filmer des frères Dardenne, tels les déplacements incessants des personnages, leurs gestes, leur relation au monde du travail et à la parole. D’autres pistes encore sont explorées, celle de frontière, de seuil, de passage, de lieu. Le fil narratif s’autorise des retours, des redites, des précisions d’un chapitre à l’autre. Il ne s’agit pas de démontrer mais de parcourir un chemin fragile, cabossé, incertain ; une réflexion forte de ses convictions mais sans cesse assaillie par le doute.
Un troisième volume devrait poursuivre le parcours : un voyage en Allemagne sur les traces de Wim Wenders, de Berlin à Wuppertal.
Né à Verviers (Belgique) en 1944. Photographe (études à l’Institut des beaux-arts Saint-Luc de Liège), galeriste (galerie Yellow Now de 1969 à 1975), professeur (académie royale des beaux-arts de Liège de 1978 à 2009), éditeur (éditions Yellow Now, à partir de 1973).
Thierry Roche a été professeur en anthropologie à l’université Picardie Jules-Verne, il est aujourd’hui professeur en études cinématographiques à l’université d’Aix-Marseille. Blow up, un regard anthropologique (Yellow now, 2010) était déjà une tentative de concilier cinéma et anthropologie. Indian’s song (Yellow now, 2010), consacré aux films réalisés par les Amérindiens, également. Cinéma/Paysage et L’Autre Néo-réalisme poursuivaient cette tentative de conciliation disciplinaire en jouant sur des formes littéraires spécifiques. Antonioni/Ferrare constitue une nouvelle étape dans la recherche de formes nouvelles. En 2015, en collaboration avec José Moure, il a dirigé un ouvrage intitulé Antonioni, anthropologue de formes urbaines (Riveneuve, 2015).