De la viande de chien au kilo raconte l’histoire des parents de Marko Turunen. Violences conjugales, alcoolisme, précarité… tous les ingrédients se trouvent théoriquement réunis pour un puissant avatar du réalisme social en bande dessinée.
C’est pourtant un tout autre chemin que choisit d’emprunter Turunen. En témoigne le style laconique qui restitue le parcours chaotique de sa mère. Surtout, l’auteur finlandais, qui s’est imposé comme l’un des auteurs les plus marquants de ces dernières années avec La Mort rôde ici, Base et L’Amour au dernier regard, reste fidèle à son déroutant mélange d’autobiographie et d’imagerie fantastique. C’est ainsi l’apparence d’animaux en peluche ou de personnages de bande dessinée animalière pour enfants, qu’il donne à ses protagonistes. Le grand-père ne brûle-t-il pas le doudou de sa fille lors d’un délire d’ivrogne ? Dans la partie centrale du livre, Turunen ressuscite son père pour livrer, à travers extraits de presse et de journal intime, un condensé de sa modeste carrière de catcheur. Les combats contre Crocodile, Lémurien ou Rat, font basculer l’œuvre du côté d’une catharsis ludique. Les formes enfantines, électrisées par des couleurs criardes, témoignent en définitive de la violence familiale et sociale. De la viande de chien au kilo est une œuvre pudique qui, derrière sa virtuosité, ses personnages dérisoires et son humour noir, cache un coeur d’or. « Dans une bagarre, un lutteur peut battre n’importe qui. Mais l’amour ne s’achète pas. »