Des songes monstrueux peuplent les épiceries et les églises… et ces formes oubliées surgissent n’importe quand et n’importe où dans mon casino désert, et emportent tout sur leur passage.
Tel est désormais le quotidien cauchemardesque et halluciné de l’ex-maire de V., condamné à errer sans fin dans les pièces désespérément vides qui ont été, autrefois, les témoins silencieux de nombre de ses aventures sexuelles. Au cœur de sa solitude, les fantômes du passé resurgissent, prennent brusquement vie sous les yeux du narrateur qui contemple celui qu’il a été et ne sera plus. Point de nostalgie, cependant, pour cet ultime huis clos traversé au contraire par la volonté – presque la rage – de réduire en cendres les créatures, obsessions et fantasmes qui ont traversé toute l’œuvre d’Alex Barbier. Dans un entrelacs de voix narratives qui trouent le silence mélancolique du casino désert, il fait jaillir par la force de sa peinture aux couleurs éclatantes les corps qui se cherchent, se trouvent pour une dernière jouissance avant de retourner au néant. Une technique narrative et picturale magistrale, poussée ici à l’extrême : avec sa Dernière bande, Alex Barbier signe des adieux à la bande dessinée plus subversifs que jamais.