• Sous-titre:
  • Auteur(s): François Jacqmin
  • Éditeur: Tétras Lyre / Lyre sans bornes
  • Genre: Poésie
  • Péritexte: 7 gravures originales de Léon Wuidar
  • Format: 18 x 22 cm
  • Nombre de pages: 72 pages
  • ISBN: 978-2-93049-422-7
  • Parution: 2005
  • Prix: 250 €
  • Disponibilité: Disponible
  • Distribution: Esperluète (Belgique). Librairie Wallonie-Bruxelles (France).

Extrait

Artisans au verbe indésirable
amants que la folie guette
la chair lacérée
par la laideur contemporaine
les poing meurtris
par les murailles de la nuit

Critique:

« Un jour, il pleuvra sur la ligne droite. La rectitude sera rendue à l’océan. On verra que la distance était posée entre les socles d’eau. Ce que l’on tenait pour rigide sera absorbé par les algues. On découvrira que la beauté des larmes est d’être dépourvue de colonne vertébrale. »

Hasard heureux, coïncidence cet aphorisme de Louis Scutenaire lu dans le n°12 (1964) de la revue Rhétorique: « La géométrie n’est pas immobile ».

Double hasard, un poème de François Jacqmin précède de quelques lignes l’aphorisme. Était-ce le premier poème de Jacqmin publié en revue ? Le dernier vers de ce poème : « l’être s’inflige un cri plus fort que l’ouïe. »

Que dire de cette densité de penser, de la dimension de l’être présent dans Poème, tel est le titre du texte publié par Rhétorique ; titre sans concession aucune à la séduction.

François Jacqmin était déjà là, tel qu’on le découvre dans les présents textes ébauchés en 1988, intégrés par l’éditeur Tétras Lyre dans une architecture de Léon Wuidar, artiste, tout comme le poète, habité par un souci de perfection. Contrairement à celui du poète, l’arc de l’artiste est tendu vers une cible présente. Celui du poète vise une cible absente ; le poème se ferme à la distance, sachant que le rien finit par avancer vers lui. Où l’un est interpellé par l’indétermination de l’être, l’autre tente sa visualisation, une figuration. François Jacqmin a répondu par un exercice d’admiration à une demande de collaboration du peintre Jo Delahaut, dépassant même, me semble­t-il l’intention de celui-ci. Catherine Daems note dans la postface: «(…) ce n’est pas de mathématique qu’il s’agit ici mais de l’art graphique dans toute sa réalité matérielle ». Jacqmin arpenteur de l’être, de la mélancolie et d’un certain désespoir énonce dans les présents textes l’essentiel de sa pensée et la dimension incommensurable de l’être qu’il poursuit : l’art’ (l’art graphique) qu’il poursuit n’est que prétexte ! Ne se considérait-il pas comme impropre (à la géométrie plane). Et encore, nous ne sommes pas (assez) désespérés pour voir que la ligne trahit.

Il faut dépasser le contenu manifeste des écrits du poète, et revenir au latent2. Il faut goûter aux multiples et merveilleuses métaphores du poète de la précision, n’utilisant que le mot le plus juste : le goût de la pomme, (…) est rectangulaire, écrit-il. Dans le gâteau de cire qu’il nous présente, il perçoit l’accord parfait entre le miel et l’hexagone, l’accord entre le fond et la forme, les deux structurant l’être global, l’être parfait. Idéal.

Tout cela, pour citer Milarépa, n’est que façon de dire, c’est en lisant, en écrivant que l’auteur de ce livre de géométrie prétexte, nous livre une véritable provision de bouche, tout en ayant recours à la glu, pour garder attache et équilibre.

François Jacqmin parcourait en solitaire sa campagne proche, dont je n’ignore pas les recoins ; en parfait ornithologue et botaniste il connaissait le nom des oiseaux, des baies dont ils se nourrissaient et les conséquences de la glu sur les petits ailés. Mais ceci a-t-il un rapport avec nos éléments de géométrie, peut-être : là où elle (la ligne) passe le terrain est saisi d’horreur. C’est l’être même de la ligne que le poète tente d’appréhender, sa part de doute, d’incertitude. Devient-elle circonférence, elle est rumination morbide, elle est aussi une circoncision de l’espace et moralement elle est oblique. Qu’est-elle alors, sinon la quête d’absolu d’une ligne matérialiste convaincue de l’indétermination de l’être. Une quête illusoire…

« Il est en nous une pureté qui ne regarde pas. Une intuition qui refuse d’épouser ce que l’on voit. » 1. «Tout art est un mensonge /ajouté à la matière.» (Le Domino gris, 1984)
2. « En poésie on parle tout le temps de soi. / pas de façon de façon tout à fait explicite, mais / en dessous des mots… » (entretien avec René Begon, février 1991)

(Gaspard Hons, mensuel littéraire et poétique n°339)