C’est par un escalier dérobé que tout commence. Fonctionnant comme le traditionnel « il était une fois » des contes, cet escalier invite le lecteur à entrer dans le récit, à franchir la passerelle vers un monde où se mêlent légendes et mythes, références picturales et historiques. Se déploie alors au fil des pages une rêverie qui traverse les époques, dans une intemporalité à la frontière entre l’Histoire et le rêve.
Des aigles volètent autour d’un château protégé par une forêt. Le Bisclavret côtoie Romulus et Rémus, tandis qu’un soldat perché sur son tank discute négligemment avec deux jeunes filles. L’absence de linéarité narrative et chronologique fait de La mort du roi une véritable œuvre ouverte : c’est au lecteur de reconstruire – de réécrire, d’une certaine manière – le récit en y investissant sa propre expérience individuelle, à partir des titres, des lieux, des personnages.
Volontairement indéfinis, lieux et temps renvoient à un passé à la fois imaginaire et réel, et, par là-même, à l’universalité de la condition humaine. La mort du roi, pourtant jamais représentée, est en ce sens éminemment symbolique. Dans les contes, elle est le déclencheur du parcours initiatique du héros. Dans l’Histoire, elle marque l’avènement d’un nouveau souverain. Y sont inévitablement associées la lutte pour le pouvoir, la cruauté et la barbarie de l’homme envers son semblable. La mort, forme de renaissance, souligne ici le perpétuel recommencement de nos actions humaines. À travers ses gravures oscillant à la frontière du rêve, Frédéric Coché réécrit avec virtuosité et acuité notre Histoire.