Mai 1917. L’Europe est à feu et à sang. Les États-Unis viennent d’entrer en guerre, les combats font rage sur le front français et les civils belges endurent l’occupation allemande depuis près de trois ans. C’est dans cette ambiance funeste que le gouverneur général de la Belgique occupée donne son feu vert à une entreprise exceptionnelle : faire établir, par les meilleurs spécialistes allemands, l’inventaire photographique du patrimoine culturel belge afin de montrer qu’ils ne sont pas les barbares tant décriés auxquels on reproche le bombardement de nombreuses villes historiques de France et de Belgique. Jusqu’à l’Armistice, entre trente et quarante hommes et femmes – historiens de l’art, architectes et photographes – vont produire plus de dix mille photographies, toutes sur plaques de verre et d’une qualité technique et esthétique extraordinaire. Sont saisis par l’objectif, en adoptant tantôt des perspectives spectaculaires, tantôt des points de vue intimistes, églises, châteaux, beffrois, béguinages, éléments de décors, tableaux, sculptures et enluminures. Mais aussi de simples calvaires ou des façades de maisons bourgeoises, du Moyen Âge au XIXe siècle situés dans toutes les provinces occupées. C’est une Belgique rêvée, riche en art et en culture, presque intacte, que l’on découvre sur ces clichés, comme si leurs auteurs avaient voulu faire ressurgir, dans un présent incertain et agité, les trésors d’un passé millénaire et immuable. Il est rare qu’un conflit armé laisse un héritage positif. C’est pourtant le cas de cet exceptionnel fonds de photographies, acquis par l’État belge dans l’entre-deux-guerres et conservé par l’Institut royal du patrimoine artistique (IRPA) à Bruxelles, dès sa création en 1948.
Ce livre présente au public, tant amateur que spécialiste, une collection unique au monde et retrace, à travers des documents d’archives inédits, son histoire, de la genèse du projet d’inventaire jusqu’aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale.