Descente aux enfers, L’Expiation évoque la révolte d’un homme, Lope de Aguirre. Conquistador traçant la route des futurs Zapata, Guevara… Perdu dans les fins fonds de la forêt amazonienne, Lope va instaurer ses propres règles de survie, celles-ci passant par l’insoumission au Roi d’Espagne.
Scénario de Felipe H. Cava admirablement servi par le dessin très épuré de Ricard Castells, L’Expiation est à coup sûr un livre qui revisite le genre épique pour le transcender et amener le lecteur vers d’autres perspectives narratives tant dans les formes du scénario que du dessin.
La bande dessinée historique peut produire des chefs-d’œuvre, L’Expiation de Ricard Castells en est l’exemple type. Le récit reprend la légende de Lope de Aguirre qui entre en dissidence du pouvoir royal et s’en va se perdre vers quelque improbable Eldorado. Autour de cet argument Castells brode un livre aux lavis décolorés qui prête à la figure d’Aguirre une dimension tragique, révolutionnaire et grotesque. Castells ne s’embourbe pas dans le sens, au contraire, il fait virevolter celui-ci en exacerbant les contradictions de son personnage. Rarement une bande dessinée aura flirté si finement avec l’indicible, avec l’effacement des limites, avec la tache comme principe de composition du dessin. Le personnage de Aguirre et son destin nous sont donnés à voir dans toute la cruelle fragilité de l’être humain. Le livre ne peut aller jusqu’à ce point de non-retour que dans la mesure où il a pris le risque de dévoiler l’incertitude des masses colorées, l’incertitude de la frontière entre la folie et la raison, entre la révolte et la tyrannie.