Traversant les paysages ravagés par la guerre, hanté par les disparus et le fracas qu’il laisse enfin derrière lui, un homme, finalement, rentre chez lui. Les espaces qu’il traverse, témoins indifférents, l’observent, ni bienveillants ni malveillants, recueillent le regard et les pensées de cet homme.
Un regard qui se perd au loin, jusqu’au bout de la route qui a été empruntée, jusqu’à la fin du sillon qui a été tracé, jusqu’à la ligne d’horizon qui détient les secrets, les regrets et toutes les promesses. Un homme enfin, est rentré chez lui.
Le livre de Vincent Fortemps exalte un dessein extraordinaire, celui de montrer la guerre comme elle n’est plus montrée, c’est-à-dire comme elle est, lente, sale et douloureuse. Les guerres actuelles n’étant plus que ce montage hypocrite d’images, désincarnées, professionnelles, la prouesse a donc été parfaite de les rendre comme l’argent, sans odeur ni conséquences. Désormais on ne saigne plus qu’au cinéma ou dans les attentats, car les Etats tentent et parviennent en partie à nous convaincre qu’entre leurs mains, la violence est devenue chirurgicale, selon la formule consacrée, un monopole propre et nécessaire. Alors Vincent Fortemps parle du passé, du temps où les guerres se tenaient dans la boue, dans l’attente et l’épouvante de l’Autre (Nation). Et c’est pourquoi il parle de la Grande Guerre, celle qui fit basculer le Monde dans l’Histoire contemporaine. Celle dont nous sommes en train de larguer lentement les amarres. C’est la Guerre de tous les excès, les changements, les traumatismes, les barbaries. Tous les commencements et toutes les fins aussi. L’ère industrielle au service des aspirations démocratiques, le gaz moutarde au service du pragmatisme politique.
L’Art offre une infinité de manières de représenter la guerre, la circonscrire, tenter de la définir. Saisir l’insaisissable en somme, non pourquoi les guerres sont faites et les peuples les acceptent, mais comment un homme peut y survivre, en admettant qu’il le puisse. En Bande Dessinée, non que les ressources soient moins grandes qu’ailleurs, mais les artistes n’ont fait souvent que peu de cas de sujets si dramatiques et politiques. Et s’il est difficile de qualifier d’Art majeur un Art aux ambitions mineures, la Bande dessinée de Vincent Fortemps, Par les Sillons, démontrent par sa puissance, des potentialités encore inexplorées du 9ème Art.