Michel Moers raconte qu’étant allé (comme tout le monde) chez Ikea, il y a vu une reproduction de Guernica proposée comme décoration de nos intérieurs standardisés. Mélange des genres ou amnésie ? Voilà exactement où nous en sommes : trouver des vertus décoratives à cette œuvre tragique de Picasso recyclée en chromo à accrocher dans son salon et dont on finira d’anéantir la portée en évoquant à son propos quelques poncifs sur l’art contemporain entre la poire et le fromage (en plastique bien sûr). On ne peut s’empêcher de voir dans ce kaléidoscope de notre époque le souci de l’artiste (également perceptible dans son parcours musical) de pointer du doigt le futile pour toucher à l’essence de notre quotidien, de miner l’esprit de sérieux afin de se donner une chance de prendre, malgré tout, ce monde devenu pop au sérieux. Autant dire que dans son cas, l’humour n’est pas un supplément de poil à gratter mais bien une arme de légitime défense face au cynisme et au désenchantement.
Michel Moers est un touriste aux aguets qui serait passé par l’architecture, l’urbanisme, la musique (comme chanteur du groupe electro belge Telex) et la photo. Malicieuses ou décapantes, ses associations d’images et de légendes décalées nous renvoient à nos tentatives dérisoires de rester stoïques face à un monde moins sérieux qu’il n’y paraît.