Ces deux recueils jumeaux de François Jacqmin, datables des années soixante, donnent à lire une écriture proche du premier jet. Méditation et fulgurance y forment un alliage dont la dynamique toujours tendue traduit l’intensité psychologique de ce lyrisme métaphysique caractéristique du poète, et qui paraît se nouer, se constituer ici d’une façon particulièrement pleine. À cet égard, ces deux inédits sont peut-être de nouveaux jalons importants dans une œuvre en constante évolution, et en perpétuelle découverte pour nous.
Car, comme maints autres ensembles restés inédits, ces deux recueils enrichissent notre connaissance du poète majeur qu’est François Jacqmin. Le sujet écrivant arpente déjà ses obsessions philosophiques, existentielles et poétiques. Condamnée à user du langage pour en dire l’aporie, cette poésie répète à satiété une même question : comment être dans le temps ? Comment être le monde en dehors du temps et malgré lui ? La conscience d’être exige un effort, dont le renoncement au mouvement, au temps, pourrait seul nous alléger. L’instant d’extase du sujet dans le monde et dans le temps est ce qu’il faut vivre, puis dire et perpétuer : le passage de l’oiseau, un arbre à l’horizon, les bouleaux sous la pluie, l’herbe tendre et pâle, la première étoile…

Extrait

l’arbre
a l’oiseau :
il persiste
néanmoins
en sa lance de frondaison !
o comment
sentir la pensée
et être homme encore ?
je reconnais
à cela
que l’ivresse
est le seul remède
connu
à la pensée :
o le soir individuel
est interminable :
c’est le chaos
rendu visible !