Artiste est-allemand, Carlfriedrich Claus s’est intéressé au spatialisme dès ses débuts. Les Garnier et lui ne se sont rencontrés qu’une seule fois mais se sont écrits pendant plus de trente ans, de 1964 à 1998.
Cette riche correspondance sera notamment l’occasion, pour les trois artistes-poètes, d’échanger des œuvres : ainsi les « transparents » de Carlfriedrich Claus, dont trois sont reproduits dans le livre, Othon III de Pierre Garnier et Jeanne d’Arc d’Ilse Garnier. La plupart des œuvres reproduites ici sont inédites ou inaccessibles aux lecteurs depuis longtemps.

Cette correspondance de plus de trente années entre Ilse, moi et Carlfriedrich est au cœur de la naissance, de la production, de l’extension de la poésie spatiale. Elle garde en souvenir des moments importants, et cela dans les pays qui à l’époque ont eu le plus d’importance pour nous : l’Allemagne avec ses deux États, la France – et l’Europe centrale.
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Il faut avoir, pour la lecture de ces lettres, en mémoire la réalité du temps – l’humanité a depuis changé. Il faut se souvenir de la guerre froide, des deux blocs cherchant à se nuire, des tensions en R.D.A., attisées d’ailleurs souvent par l’Ouest. En 1963, nous sommes à deux ans de la construction du mur de Berlin (août 1961) isolant la R.D.A. et ses habitants, à sept ans des événements de Hongrie (1956), à la veille de ceux de Prague (août 1968). Il s’agit d’un monde tendu – et là, à Annaberg, bourgade forestière des Erzgebirge, un artiste-poète, Carlfriedrich, au courant de ce qui se passe à l’Ouest, notamment des révolutions artistiques du moment […]. Carlfriedrich vit avec sa mère, seul dans ces montagnes proches de la frontière tchèque, pas très loin de Prague – il vit volontiers dans les ondes, avec les mystiques de Silésie que, je crois, il a beaucoup fréquentés.

— Pierre Garnier